Jakob a grandi dans une banlieue de province danoise. Il est l'un de ces enfants qui aiment dessiner, et ses dessins lui valent des compliments. Ses talents vont en s'améliorant tant il est capable de se concentrer pendant des heures. A peine diplômé en tant qu'artiste et designer graphique, alors âgé de 23 ans, Jakob a très envie de s'évader. Par chance, il décroche un emploi dans une agence de publicité de Copenhague, avec une clientèle de l’industrie musicale. L'agence lui offre beaucoup de travail. Tant et si bien qu'il finit par dormir sur place, sur un matelas posé au sol.

Quatre ans après son arrivée, Jakob est devenu directeur de création de sa propre agence. Les missions ne cessent d'affluer. Les journées de travail de Jakob commencent à 11 h et se prolongent jusqu'à 1 h du matin le lendemain. Quand on travaille autant, on mérite de faire la fête, justifie-t-il alors. Et avec sa boule disco, sa machine à fumée et son groupe d'amis farfelus, Jakob a le don de lancer une fête n’importe où.

Plus tard, Jakob se demandera, perplexe, pourquoi personne n’a rien dit. Peut-être qu'il a ignoré leurs avertissements? Peut-être qu'ils n'ont rien dit parce qu'il débordait toujours d'énergie? « C’est vrai que je me sentais super bien. Je suis l'élu! » 

Jakob emménage dans son bureau en 2001. « C'est vraisemblablement l’époque où les choses ont commencé à s'effondrer », dit-il, « parce que j'ai commencé à rester éveillé plusieurs jours de suite, en travaillant. » Une nuit, alors qu’il note des idées à la va-vite, de plus en plus vite, il a comme une explosion intérieure soudaine. « Il y a eu ce FLASH et j'ai eu une vision. Tout ce que nous faisions était totalement dépassé. Et je savais ce qu’il nous restait à faire. Nous devions révolutionner toute l'industrie de la musique - non, toute l'industrie du divertissement - et j'ai vu comment les choses se passeraient dans six ou sept ans, je l'ai vu avec une clarté absolue. »

Quelque temps plus tard, son père lui demande comment il va. Pas très bien, répond Jakob. A la question, « veux-tu que je vienne te chercher? » Jakob répond « oui ». Et puis Jakob se tait. Il emménage dans le sous-sol de ses parents et tente de se ressaisir. Jakob décrit ces années comme une longue spirale descendante. Ses parents finissent par l’interner dans un hôpital psychiatrique.

Et quand il est enfin prêt à quitter l'hôpital, son passé l'attend à l'extérieur - et fait tout pour le rattraper. Une nuit, Jakob se rend compte qu'il est en train de chercher le moyen le plus rationnel de se suicider; cette fois, il se rattrape au vol, et se fait volontairement admettre à l'hôpital, pour dépression.

Jakob est diagnostiqué pour trouble bipolaire depuis 2003, l’année-même où il a fait faillite. Ce n’est que très lentement qu'il a pris conscience que son ancienne vie faisait partie du passé. « J'étais le roi du Rock'n Roll à Copenhague, et dans ma tête, je l’étais toujours. » Pendant longtemps, il a cru qu'il était triste, pas malade. Accepter sa maladie, avec l'aide de la Clinique des Troubles de l'Humeur, est un processus qui a pris des années.